Histoire
31 juillet 2025
Soudure pastorale : permettre aux ménages de pasteurs et d'agropasteurs de préserver leurs moyens d’existence au Niger
En s’approchant, on distingue une corne, seule trace visible d’un animal autrefois plein de vie. L’orbite de l'animal est creuse. Les charognards sont déjà passés. La vache, sûrement très affaiblie, n’a pas survécu aux rigueurs de la soif et de la faim. On est au Niger, où environ 80% de la population tire l’essentiel de son revenu des secteurs agro-pastoraux qui contribuent à 43% de PIB dont 15% proviennent essentiellement de la contribution de l’élevage. Au Niger, l’élevage est une activité traditionnelle pratiquée par plus de 87 % de la population soit en tant qu’activité principale soit comme activité secondaire. De nombreux pasteurs et agropasteurs au Niger sont confrontés à la dure réalité de ce que l’on appelle ici la soudure pastorale. Cette période critique, qui a cours entre mars et mai, se traduit par une saison sèche prolongée, la dégradation des pâturages, une baisse de la disponibilité en eau d’abreuvement, et surtout des feux de brousse. Au titre de la campagne pastorale 2024-2025, le bilan fourrager global a été impacté par 123 cas de feux de brousse avec 937 721 tonnes de matières sèches consumés, soit près de 3% des besoins du cheptel. Ses conséquences sont bien tangibles dans le quotidien des ménages d’agropasteurs et pour leurs animaux, notamment dans les régions de Zinder, Tillaberi, Diffa et Tahoua. « Dans la région de Zinder, cela se manifeste par une émaciation avancée du cheptel et aussi une difficulté accrue des ménages à satisfaire leurs besoins alimentaires du fait de l’épuisement précoce de leurs stocks alimentaires et de l’augmentation des prix de denrées alimentaires de base. Les animaux deviennent maigres et perdent de leur valeur économique. Les éleveurs sont alors parfois contraints de vendre davantage de bêtes pour subvenir à leurs besoins alimentaires », explique Sani Djibril, en charge de la recherche et suivi au sous-bureau du PAM à Zinder. Cette situation affecte énormément les pasteurs et agropasteurs, qui se voient parfois contraints de partir en quête de meilleures conditions de vie. « En cette période de soudure pastorale, nous manquons de nourriture, aussi bien pour nous que pour nos animaux. Il nous arrivait, pendant ces périodes difficiles, que l’un d’entre nous parte en exode, soit moi, soit mon fils », témoigne Habou Chaibou, agropasteur dans le village de Kouyakam, commune de Mazamni, région de Zinder. Dans le cadre du programme national de réponse du Gouvernement du Niger, le Programme alimentaire mondial (PAM) a mis en place une réponse spécifique à la soudure pastorale (mars à mai) et à la soudure agricole (juin à août). S’agissant de la réponse soudure pastorale, le PAM vise à apporter à travers cette intervention une assistance alimentaire ciblée aux ménages pasteurs et agropasteurs, afin de leur permettre de préserver leurs moyens d'existence en attendant les prochaines campagnes agro-pastorales. A cet effet, en 2025, le PAM a apporté une réponse soudure pastorale à 43 700 personnes ciblées les communes de Mazamni (région de Zinder), de Bosso et de Goudoumaria (région de Diffa), de Téra et d’Inates (région de Tillabéri) et Tillia (région de Tahoua).En fait, ils se trouvent souvent dans l'obligation de vendre leurs biens, dépenser leurs économies ou l’envoi de proches chez des tiers pour avoir de quoi manger. "Parfois, je suis obligé de vendre précocement mes animaux pour pouvoir acheter à manger", avoue Habou. Cette réponse est une bouée de sauvetage pour de nombreux ménages comme celui de Habou. "Cette année, j’ai reçu une assistance de 3 mois, composée de mil, de niébé, d’huile, de sel, et du Plumpy sup pour les enfants. Ainsi, nous n’avons plus besoin de partir en exode, nous avons de quoi manger jusqu’à la prochaine récolte, nous ne vendons presque plus nos animaux." déclare fièrement Habou.Une enquête du PAM menée après les distributions de la soudure pastorale de 2024 a montré que l’assistance a permis d’améliorer la situation alimentaire des ménages ciblés. Elle a réduit leur recours à des stratégies négatives et a favorisé une meilleure consommation alimentaire. Le PAM soutient également les communautés d’agropasteurs à travers son programme de résilience, notamment la réhabilitation des terres pastorales et des activités pour améliorer la production agro-pastorale, avec 50 % de ses sites de résilience ayant des ouvrages pastoraux visant à augmenter la disponibilité de fourrage dans les aires de pâturage et augmenter la production de foin et de paille.Cette assistance a été possible grâce au précieux appui du Canada, des Émirats arabes unis, de l’Espagne, des États-Unis, du Luxembourg, de la Russie, de la Suisse, ainsi que des Fonds multilatéraux.