Au Niger, fuir pour assurer sa sécurité
La violence s'est intensifiée cette année à Diffa, dans le sud-est du pays, où le nombre de personnes tuées, blessées ou enlevées est le plus élevé depuis 2015.
Cette histoire a été orginellement publiée en anglais sur le blog OCHA Exposure.
Le Niger est pris d’assaut de toutes parts. Pays fragile, avec les résultats de développement humain les plus faibles du monde, le Niger est désormais déstabilisé par un conflit qui déborde du Burkina Faso et du Mali. Le pays accueille aussi des milliers de nouveaux réfugiés qui fuient la violence au Nigéria voisin et des migrants fuyant la brutalité en Libye. À cela s'ajoute le changement climatique, qui frappe le Sahel plus rapidement que toute autre région du monde, provoquant une sécheresse dévastatrice et un cycle d'inondations, aggravant encore plus les niveaux de faim et de malnutrition dans le pays. Un Nigérien sur dix - soit 2,3 millions de personnes - a maintenant besoin d'aide humanitaire pour survivre et ce chiffre devrait encore augmenter l'année prochaine.
La Sous-Secrétaire générale des Nations Unies aux affaires humanitaires, Ursula Mueller, s'est récemment rendue au Niger pour rencontrer des réfugiés, des migrants et des communautés d'accueil dont la vie a été bouleversée par la violence. Ce voyage a aussi été l’occasion d’évoquer avec le Premier ministre et d'autres responsables gouvernementaux leurs préoccupations prioritaires. Voici quelques-unes de leurs histoires.
La violence s'est intensifiée cette année à Diffa, dans le sud-est du Niger, où le nombre de personnes tuées, blessées ou enlevées est le plus élevé depuis le début de la crise en 2015. Des réfugiés comme Mari ont raconté avoir été attaqués à plusieurs reprises, y compris au Niger après avoir fui son village dans l’État de Borno au Nigéria. Elle et beaucoup d'autres vivent dans ce site pour déplacés depuis des années.
Sherif, 18 ans, s’est enfui de chez lui à 14 ans et n’est jamais allé à l'école. Les hommes et les jeunes là-bas disent qu'ils veulent désespérément faire quelque chose d'utile. « Je veux savoir ce qui se passe dans le monde autour de moi et acquérir des compétences pour pouvoir travailler », a dit un jeune homme à Mme Mueller.
En 2019, il y avait plus de 400 000 personnes déplacées au Niger, dont des déplacés internes et des réfugiés ayant fui leurs foyers au Burkina Faso, au Mali et au Nigéria voisins. Plus de 250 civils ont perdu la vie et 320 autres ont été enlevés. Le gouvernement a lancé des plans d'urgence ambitieux pour venir en aide aux plus vulnérables et a ouvert ses portes aux réfugiés et aux migrants, alors que les communautés d'accueil ont généreusement partagé leurs maigres ressources avec les déplacés.
Ici à Awaradi, 20 000 personnes déplacées internes et réfugiés vivent ensemble, la plupart du temps pacifiquement, bien que des tensions surgissent au sujet de l'accès à des ressources rares. L'agence des Nations Unies pour les réfugiés, le HCR, œuvre sans relâche à trouver des solutions plus durables que l'aide d'urgence conventionnelle. Ici, le HCR paie des jeunes des communautés déplacées et d'accueil pour fabriquer des briques, qu'ils peuvent ensuite utiliser pour construire des maisons.
Fuir l'esclavage
D'autres avaient fui les conditions économiques difficiles dans leur pays pour chercher un emploi en Libye. Agnès, 24 ans, a voyagé depuis la Guinée jusqu’en Libye, en passant par le Mali, mais dès son arrivée, un trafiquant l'a transmise à un marchand d'esclaves. Elle faisait partie d'un groupe de femmes qui ont été réduites en esclavage, affamées et violées à plusieurs reprises.
« J'ai été battue et violée, je ne veux pas me souvenir… En tant que femme, je ne me sens pas en sécurité. Nous nous aidons toutes ici à oublier et à avancer ».
Un soir, les femmes ont réussi à fuir pendant la prière, traversant le désert pour trouver refuge auprès de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui gère un centre de transit pour les migrants à Niamey, fournissant des conseils, de l'alphabétisation et une formation professionnelle. La plupart veulent maintenant rentrer chez elles pour revoir leurs enfants.
Les enfants regardent vers l'avenir
Des groupes armés non étatiques au Tchad, au Mali, au Nigéria et au-delà ont enlevé et recruté de force des enfants comme combattants, esclaves sexuels ou dans d'autres rôles. Des enfants ont aussi été arrêtés lors des sévères répressions militaires. Beaucoup n'étaient pas armés - ils étaient simplement au mauvais endroit au mauvais moment. Un centre de réadaptation dans la capitale aide des enfants, parfois âgés de huit ans, à comprendre ce qui leur est arrivé grâce à la thérapie et au théâtre, ce qui les aide lentement à se rétablir et à réintégrer la société.
"J'ai été extrêmement touchée par le courage dont font preuve les personnes déplacées, les réfugiés, les migrants et les demandeurs d'asile avec qui j'ai parlé. Et par la générosité et la solidarité exemplaires manifestées par les autorités et par les communautés qui les accueillent, bien qu’elles soient parmi les plus vulnérables. Nous leur devons de renforcer notre soutien. ", a déclaré Mme Mueller.