Crise alimentaire au Niger : mobiliser urgemment des ressources conséquentes pour sauver des vies
Au Niger, le nombre de personnes en insécurité alimentaire aiguë sévère (phase 3-4 du Cadre Harmonisé) a plus que doublé entre 2021 et 2022, passant de 1,2 à 2,
Au Niger, le nombre de personnes en insécurité alimentaire aiguë sévère (phase 3-4 du Cadre Harmonisé) a plus que doublé entre 2021 et 2022, passant de 1,2 à 2,5 millions de personnes pendant la période d’octobre à décembre, soit 107% d’augmentation d’une année à l’autre (Cadre harmonisé novembre 2021). Ces personnes ont besoin d’une assistance alimentaire immédiate. Si rien n’est fait, leur nombre pourrait atteindre 3,6 millions de personnes pendant la période de soudure 2022 (juin-août), soit 57% d’augmentation par rapport à la soudure 2021. Selon le Ministère de l’Agriculture, le déficit céréalier enregistré en 2021 est estimé à près de 870 000 tonnes, soit une baisse de production de plus de 1,5 million de tonnes par rapport à 2020 (qui révélait un bilan céréalier excédentaire de près de 695 000 tonnes). A l’origine de cette sous-production, la campagne hivernale qui a été marquée par le début tardif des pluies, des séquences sèches et un arrêt précoce des pluies en plus d’une dégradation sécuritaire dans certaines régions du pays.
En effet, la production brute par habitant lors de la campagne agricole de 2021 (160 kg/habitant) est la plus faible depuis plus de 20 ans. La situation est particulièrement alarmante pour les régions de Tillabéri et Diffa qui sont à la fois en proie à la sècheresse et au conflit, et dont environ un quart de la population est en insécurité alimentaire (24% pour Diffa et 29% pour Tillabéri). La campagne pastorale 2021 / 2022 est à l’image de la campagne agricole avec un fort déficit fourrager global de l’ordre de 15 269 916 Tonnes de Matières Sèches risquant d’affecter la situation alimentaire d’une grande partie du cheptel national durant la période de soudure pastorale.
Une crise alimentaire d’ampleur
En effet, une telle situation n’avait pas été vue au Niger depuis 20 ans, si l’on considère le niveau de déficit élevé de production agricole et fourragère aggravé par le contexte d’insécurité dans plusieurs zones du pays, une flambée des prix sans précédent, la situation sanitaire liée à la pandémie du COVID-19, avec comme conséquence un nombre élevé de personnes en situation d’insécurité alimentaire. En outre, le taux de malnutrition aigüe global chez les enfants de moins de 5 ans est supérieur à 12%, dépassant le seuil d’alerte de l’OMS qui est de 10%. L’ampleur de cette crise est selon les experts beaucoup plus élevée que celles vécues dans les années 2005 et 2012 dont les souvenirs restent gravés dans la mémoire collective. En décembre 2021, le prix moyen national du mil restait près de 30% plus élevé que la moyenne des cinq dernières années.
La normalisation espérée des prix en période post-récolte n’a donc pas eu lieu, et l’on s’attend à ce que la flambée des prix déjà observée en 2021 ne s’accentue encore en 2022, selon le système d’information sur les marchés. En effet, cette année les marchés du Niger vont continuer à être affectés par la perturbation des circuits d’approvisionnement liée au COVID-19, à l’augmentation des coûts de transports globaux, mais aussi les sanctions de la Communauté Économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) contre le Mali, le conflit dans le nord Nigéria connu comme étant un grenier pour le Niger et l’instabilité politique au Burkina Faso. Cette situation risque non seulement d’éroder le pouvoir d’achat des ménages les plus vulnérables, mais également de limiter la capacité de réponse du gouvernement et des acteurs humanitaires, qui dépendent des marchés locaux non seulement pour les achats de vivres, mais aussi pour les distributions de cash.
Vers une réponse coordonnée
Pour atténuer les effets néfastes de la crise et alléger les souffrances des populations, le gouvernement a mis en place un plan d’urgence d’un montant estimé à 160 340 179 645 FCFA (278 368 367 USD), étalé sur la période de novembre 2021 à mars 2022. Ce plan couvre plusieurs volets dont l’appui alimentaire, l’appui aux secteurs agricole et pastoral et aux populations impactées par les chocs, et la nutrition. Afin de garantir la survie des hommes, des femmes et des enfants en situation d’insécurité alimentaire et nutritionnelle, les acteurs humanitaires en coordination avec le gouvernement mettent en œuvre des activités d’urgence ciblant les ménages les plus vulnérables en phase 3 et plus. Ils travaillent en collaboration et en coordination avec le Dispositif National de Prévention et de Gestion des Crises Alimentaires (DNPGCA) pour la mise en œuvre du plan de soutien aux personnes vulnérables, qui prendra le relai du plan d’urgence sur le reste de l’année, afin d’assurer une réponse à grande échelle. Le budget de ce dernier est estimé à 279 milliards de FCFA (480 millions USD).
À noter que le plan de soutien comporte également des volets liés au développement d’activités génératrices de revenus, de transferts sociaux productifs pour renforcer la résilience des populations vulnérables, afin de préserver et accentuer les efforts de plus long terme visant à atténuer l’impact des chocs et prévenir de nouvelles crises alimentaires. Il a été lancé ce 15 février 2022 conjointement avec le Plan de Réponse Humanitaire. La réponse à cette crise inclut également le traitement et la prévention de la malnutrition chez les enfants et les femmes enceintes et allaitantes. La coordination intersectorielle permet d’intégrer les autres besoins sectoriels, notamment la protection et le genre. Pour faire face aux besoins humanitaires dans un contexte de crise alimentaire et nutritionnelle aigüe, les acteurs des clusters sécurité alimentaire et de nutrition ont besoin d’un budget de 272 621 497 USD (montant provisoire) pour répondre aux besoins des personnes affectées ciblées en 2022.